Tarif : Des Huissiers de Justice au-dessus de tout soupçon ?
Les huissiers de justice ont le monopole de l'exécution des décisions de justice. En contrepartie, leur rémunération est soumise à un tarif fixé dans le décret n°96-1080 du 12 décembre 1996. Peu de personnes oseraient penser que des Huissiers, officiers publics ministériels, ne respecteraient pas ce tarif dans le cadre de l'exercice de leurs voies d'exécution.
Pourtant, force est de constater que certains huissiers, surtout en région parisienne, prennent des libertés avec ce tarif et font supporter à leurs clients et/ou aux débiteurs des frais qu'ils ne leur sont pas redevables.
Ces dérives sont diverses. Elles peuvent correspondre à des frais non prévus au tarif, comme des frais de retour, de dossier, de rédaction, etc... Elles peuvent aussi correspondre à des frais prévus au tarif mais détournés de leur objet. Il peut s'agir de l'application d'un coefficient multiplicateur pour des actes qui ne sont pas relatifs à une obligation pécuniaire déterminée (article 7 du décret susvisé), de l'attribution, injustifiée, d'un honoraire visé à l'article16 ou du droit de l'article 10 lorsque le recouvrement est effectué sur le fondement d'un titre exécutoire constatant une créance née de l'exécution d'un contrat de travail.
Pourtant, il est interdit aux huissiers de demander ou de percevoir une rémunération autre que celle définie par le tarif. En cas de non-respect de cette règle, l'huissier de justice doit restituer l'excédent perçu, sans préjudice des sanctions disciplinaires encourues (article 24 du décret).
Pourquoi, dans ce cas, ces huissiers prennent le risque de violer leurs obligations professionnelles ? Si l'appât du gain est évident, elle n'explique pas tout, car le risque disciplinaire devrait les dissuader.
Mais, en pratique, le risque est minime.
D'une part, très peu de personnes connaissent le tarif auquel sont soumis les huissiers. D'ailleurs, de nombreux avocats ignorent ce tarif ou s'en désintéressent, même si en qualité de Conseils, ils devraient informer leurs clients sur la régularité des factures d'huissiers qu'ils leur soumettent, pour règlement.
D'autre part, les sommes litigieuses sont, généralement, d'un montant faible pour la partie lésée, de sorte qu'elle ne s'aventure pas dans des procédures de contestations longues et parfois coûteuses. Pour l'huissier, l'enjeu financier est beaucoup plus intéressant, en raison de la multiplication des actes qu'il facture à ses différents clients. Ces facturations illégales lui confèrent, en fin d'année, un petit pécule non négligeable.
Enfin, pour les rares justiciables qui relèvent des frais indus, la plupart des huissiers acceptent de régulariser leur facture, conscients de l'illégalité de leurs pratiques, afin de ne pas faire de vagues et de poursuivre leurs pratiques envers les profanes. Pour les moins malins, il est parfois nécessaire de saisir la Chambre Départementale de l'huissier récalcitrant, voire de faire taxer ses frais par le Greffier en chef du Tribunal, dans le cadre d'une procédure de vérification des dépens.
L'ensemble de ces raisons explique qu'il existe très peu de décisions de justice en la matière, ce qui ne signifie pas, comme vous l'aurez compris, que les huissiers sont tous respectueux du tarif réglementaire.
Néanmoins, il n'est pas normal que ces huissiers « indélicats » ne soient pas sanctionnés et que le Procureur de la république, normalement chargé de leur contrôle (art. 22 et 94-1 du décret n°56-222 du 29/02/1956), ne s'en préoccupe pas plus.
En effet, comme dans la plupart des organes de contrôle interne des Ordres professionnels, il ne faut pas trop compter sur la sagacité des Inspecteurs des Chambres départementales des huissiers pour recadrer les confrères en délicatesse avec les bons usages tarifaires, sauf si l'un d'eux risque de nuire gravement à leur image.
Aussi respectable et nécessaire que puisse être cette profession, ses représentants ne sont pas tous des parangons de vertu. Et nous avons évoqué ici que de menus dérapages.
Dès lors, soyez vigilants et n'hésitez pas à contester les frais indus.
P.S. La Chambre nationale des Huissiers de justice tiendra les 6 et 7 mai 2013 le Congrès National de la profession sur l’île de la Réunion sur le thème du "sceau de la confiance". Pas de mauvais esprit SVP, ayez confiance...