Frais d'huissier à la charge du créancier
Après un long parcours, semé d'embuches, le justiciable croit avoir atteint le graal lorsqu'il dispose, enfin, d'un jugement favorable.
Toutefois, outre les habituelles difficultés et lenteurs des voies d'exécution, le justiciable s'apercevra, in fine, qu'il ne recevra pas la somme que lui avait accordée le tribunal. En effet, l'huissier, saisi par le créancier, aura ponctionné sur les fonds recouvrés un droit proportionnel qui est supporté par ce dernier ! Vous pensiez que tous les frais d'huissier étaient à la charge du vilain débiteur et bien non. Si une majeure partie des frais d'exécution sont mis à la charge du débiteur, le créancier doit lui aussi prendre en charge environ 10% des sommes que son huissier aura récupérées auprès de votre débiteur. Cela résulte de l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996. Les créanciers échappent à ce droit lorsque le recouvrement ou l'encaissement est effectué sur le fondement d'un titre exécutoire constatant une créance née de l'exécution d'un contrat de travail ou une créance alimentaire.
En résumé, cela signifie que l'huissier prend une sorte d'honoraire de résultat sur les sommes qu'il aura recouvré auprès de votre débiteur, sachant que votre avocat vous aura aussi, peut-être, fait payer un honoraire de résultat, généralement constitué par un pourcentage des sommes obtenues.
Il ne s'agit pas tant de contester ce droit proportionnel aux huissiers que de le faire supporter au débiteur plutôt qu'au créancier. Une telle disposition existe mais ne concerne que les litiges du droit de la consommation. Il s'agit de l'article L. 141-6 du code de la consommation, qui renvoie à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution lequel remplace l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991.
Ainsi, lors du prononcé d'une condamnation, le juge peut, même d'office, pour des raisons tirées de l'équité ou de la situation économique du professionnel condamné, mettre à sa charge l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article 10 du décret précité. Cette disposition du code de la consommation est largement ignorée des avocats et magistrats, qui ne portent pas assez d'intérêt à l'exécution des décisons rendues, ce qui explique qu'il y a très peu de jursiprudence en la matière. Pourtant, cette disposition permet au créancier de recouvrer la totalité des sommes qui lui ont été accordées par le tribunal. Il est cependant regrettable qu'une telle disposition n'existe pas, spécifiquement, pour les débiteurs non professionnels.
Néanmoins, si l'on conbine les articles 1244 et 1248 du code civil, le débiteur ne devrait pas pouvoir forcer le créancier à recevoir le paiement partiel de sa dette et devrait supporter les frais du paiement. Or, en contraignant le créancier à engager des voies d'exécution, le débiteur l'oblige à renoncer à une partie de sa créance puisqu'il devra supporter les frais d'huissier de l'article 10 précité. Dès lors, il n'est pas contraire au droit et à l'équité de se prévaloir de ces articles pour que ces frais soient mis à la charge du débiteur, qu'il soit professionnel ou particulier. Une réforme serait nécessaire pour harmoniser les dispositions du code civil avec l'article 10 du décret de 1996.
En attendant, si à réception des fonds adverses, le créancier digère mal l'indemnité de l'article 10 que lui ponctionne l'huissier, il ne lui est pas interdit d'envoyer la "facture" à son avocat qui aurait omis de solliciter la condamantion du professionnel adverse à supporter cette indemnité sur le fondement de l'article L. 141-6 du code de la consommation.
En effet, l'avocat a une obligation de moyen à l'égard de son client. Sa responsabilité est susceptible d'être recherchée s'il n'a pas présenté une demande qui est prévue par les textes, dans l'intérêt de son client. En l'espèce, il s'agirait d'une perte de chance. La perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constaté la disparition d'une éventualité favorable. La perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Dans notre cas, rien ne dit que le tribunal aurait accepté de faire droit à la demande du créancier de faire supporter à son adversaire professionnel l'indemnité de l'article 10, d'autant qu'il aurait pu le faire d'office. Néanmoins, l'avocat négligent pourrait être amené à prendre en charge une partie de l'indemnité de l'article 10. Encore faut-il lui réclamer en invoquant le manquement à son obligation de moyen et la perte de chance d'être dispensé de l'indemnité de l'article 10. d'office